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20/05/2010

Un point de vue sur le plan de relance adopté le 9 Mai

 Vous trouverez ci-dessous le point de vue d'un adhérent du Mouvement Européene des Yvelines, membre du Comité Directeur, écrit après l'adoption par l'UE du plan de relance du 9 mai. Les commentaires sont ouveclipart_objets_163.gifrts ... ! 

 

Plan du 9 mai 2010 : Une relance de l'Europe

 Si ce plan de sauvetage est enfin massif (750 Mds € ajoutés aux 110 destinés à la Grèce) et semble bien ajusté à la nécessité du moment, il arrive bien tard (la spéculation s'est développée entre temps) et l'attente a coûté bien cher aux finances publiques (300 Mds).

 Gouverner, c'est prévoir et prévenir.

 Nous rappelons que dès l'automne 2008, au plus fort de la crise financière, de nombreuses personnalités et députés ADLE avaient proposé, l'émission d'un emprunt paneuropéen de 300 Mds €, la création d'un FME pour créer une solidarité européenne, seule capable de surmonter la crise. Il a fallu attendre près d'1,5 an avant que l'on arrive effectivement à de telles mesures. La crise, d'une ampleur centennale, a été largement sous-évaluée et les remèdes néolibéraux ont échoué.

 La situation de la France est aujourd'hui mauvaise après 3 ans d'une politique néolibérale et démagogique : lourds déficits extérieurs, croissance faible, larges déficits publics, ... nous laissent sans marge de manœuvre (plus de 1.520 Mds de dettes ou 80% du PIB au 31 mars 2010). François FILLON, conscient de la situation en déclarant il y a 3 ans « l'Etat est en faillite », a pourtant augmenté cet endettement public de près de 400 Mds € par sa politique laxiste. Nous sommes dans une situation très proche des pays attaqués, devant le « mur de l'argent », c'est-à-dire devant l'impossibilité d'emprunter.

 Si on préconise une politique de rigueur en UE, il faut l'appliquer aussi en France (et avoir le courage de le dire). Il n'y a pas d'autre solution que diminuer les dépenses publiques et augmenter les impôts. Mais ceci doit être fait en coordination avec nos partenaires européens afin de gagner en efficacité et dans la justice sociale et fiscale.

 L'Europe n'avance que par des crises. Plusieurs mesures nécessaires ont enfin été prises. Sachons saisir cette chance ! Et non se laisser enfermer dans la démagogie politicienne.

 A) La crise se développe en 4 phases :

 1) Crise de confiance et de liquidité bancaire : depuis août 2007, avec un paroxysme à l'automne et à l'hiver 2008 / 2009, avec une perte de confiance entre les banques qui ne voulaient plus se prêter entre elles. Cette destruction de la liquidité bancaire a dû être compensée par l'apport de liquidités massives par les banques centrales. Les banques et les compagnies d'assurance ont été sauvées de la faillite par des plans massifs des Etats, avec parfois des nationalisations partielles ou quasi-totales nécessaires, spécialement dans les pays anglo-saxons : Etats-Unis (CitibanK, AIG, ...), Grande-Bretagne (RBS, Loyds, ...), Irlande, Belgique (Fortis), Pays-Bas (ABN Amro), Islande, ...

Cependant, la BCE a veillé à ne pas alimenter l'inflation et la baisse des crédits a fait que la création monétaire depuis 1 an est voisine de zéro.

 2) Crise économique (2008 à 2010) : Avec la perte de la confiance, la chute de la consommation et des exportations a entraîné la plus forte baisse du PIB depuis 1930 (hors période de guerre) dans le monde et spécialement en Europe, très ouverte au commerce mondial. Le coût du chômage a partout explosé. En France, le déficit atteint près de 150 Mds € en 2009 et en 2010, sans que des mesures à la hauteur soient prises. Cette somme est énorme : le déficit atteint près de 40% à 50% des recettes. Qui peut tenir sur ce rythme longtemps ?

 3) Crise des finances publiques (2009 à 2012 ?): Les stabilisateurs automatiques, la baisse des recettes mais aussi les plans de relance publique et les nationalisations dans le secteur financier ont déclenché des déficits publics très importants depuis 2008, un endettement  devenu massif qui devient intenable (on a dépassé souvent allègrement les taux de 80% du PIB, voire 100 %). Même des organismes publics allemands connaissent de graves difficultés financières. Ce n'était plus seulement la Grèce qui était attaquée début mai 2010, mais aussi le Portugal, l'Irlande, l'Espagne et même l'Italie, c'est-à-dire une bonne partie de la zone euro.

 Les Etats des pays les moins riches ou ceux qui ont le plus abusé de l'endettement sont aujourd'hui devant le "mur de l'argent". La France, comme l'Italie, était déjà largement endettée en 2007, avant le début de la crise

Mais ce sont l'ensemble des agents qui sont souvent surendettés (particuliers, entreprises, collectivités locales, sécurité sociale), spécialement dans les pays anglo-saxons.

Paradoxalement, ceux-ci sont moins attaqués car ils ont développé des plans de soutien massifs, notamment par l'achat de bons du Trésor par la banque centrale. Mais c'est au prix d'une forte croissance de la masse monétaire (jusqu'à 30% en Chine et en Grande-Bretagne avec l'achat des bons du Trésor par la Banque centrale), ce qui devrait favoriser la création de bulles, ....et entraîner de nouvelles crises.

 4) Risque de transformation en crise sociale et politique (à venir)?  

C'est ce risque, avec les inquiétudes exprimées par Obama, qui a décidé les Européens à agir massivement.

 B) Les solutions néolibérales non valables :

Le problème est que nous sommes, à notre avis, dans une crise sous-évaluée, où ce sont les économistes néo-libéraux, souvent au pouvoir actuellement, qui l'ont déclenchée.

Depuis 20 ans, ces néo-libéraux ont construit une économie sur du sable, en supprimant un à un tous les filets de sécurité qui existaient, en parlant sans cesse de dérégulation. Ils ont promis de nombreuses baisses d'impôt. Et même  laissé filer les dépenses. Ils n'ont pris que des demi-mesures, affaibli l'Etat qui  manque de moyens pour réagir efficacement.

 La solution n'est pas dans le « tout marché » qui nous a conduits dans de graves difficultés. Les néolibéraux ont supprimé les moyens pour réaliser les investissements rentables sur le moyen et long terme (innovation, recherche, productions d'énergies douces, isolation des logements, ...).

 C) La crise est d'autant plus grave que la concurrence de grands pays émergents se développe et que nous devons supporter des retraites croissantes :

Nous avons cru à une solution avec la fuite en avant. Depuis 10 ans, les salaires ont augmenté de 20% en France, de 40 à 50% dans certains pays du sud de la zone euro, mais de 5% en Allemagne (qui, c'est vrai, avait de l'avance avec le DM fort).

Mais, aujourd'hui, on s'aperçoit que ce n'est plus tenable. Les salaires ont augmenté plus vite que la productivité dans les pays du Sud. La forte croissance qu'ils ont connue depuis 10 ans n'a pas été assez basée sur les exportations et la performance économique. Ils doivent donc se « serrer la ceinture » ou tenir des politique rigoureuses pour retrouver une compétitivité perdue (bien qu'ils se soient fortement modernisés depuis 10 ans).

La France est au milieu du chemin entre les pays du Sud et les pays germaniques.graphiques.jpg

Le laxisme ne peut plus être accepté, il n'est plus toléré par les prêteurs.

 D) Une crise de financement grave :

En fait, les pays dits « riches » le sont beaucoup moins qu'on le pense car ils se sont aussi beaucoup endettés. Le montant de la dette publique est de 17.500 Mds $ aux Etats-Unis et de 8.700 Mds € en Union européenne (dont 1.489 pour la France) au 31 décembre 2009 (Eurostat).

C'est le cas du Japon, de l'Italie ou de la France, mais ces grands pays dégagent une épargne importante (épargne souvent de précaution devant le surendettement de l'Etat).

Ce n'est pas le cas d'autres pays qui ne dégagent plus d'épargne interne, tel le Royaume-Uni, les Etats-Unis, qui affichent un important déficit de leurs balances des paiements. Ils ont de plus en plus besoin de l'épargne extérieure et deviennent dépendants de pays, tels la Chine ou le Brésil, qui ont une épargne importante.

 S'ils n'arrivent pas à attirer cette épargne, l'une des solutions est de créer de la masse monétaire artificiellement, ce qui entraîne une inflation intérieure et la baisse de leur monnaie. C'est ce qui s'est passé au début des années 1970 quand le Dollar a décroché de l'or et a diffusé une inflation forte dans le monde entier et entraîné le choc pétrolier de 1973.

 E) Le G20 n'a proposé qu'un cadre de mesures largement insuffisantes et trop longues à mettre en place :

Nous ne sommes qu'au début des mesures à prendre concernant la régulation bancaire et financière, la lutte contre les paradis fiscaux, la limitation des fonds spéculatifs, l'encadrement des bonus et des sursalaires, ...

Coordonner des solutions mondiales, entre pays aux intérêts contradictoires prendra beaucoup de temps.

Mais, de plus, le G20 ne s'est attaqué qu'à une partie des causes et pas au surendettement public et privé ou au rôle excessif donné au marché.

  F) Une nécessaire politique économique européenne plus intégrée, non soumise directement aux responsables politiques qui ont failli. Pour une convention de croissance cohérente.

- La démagogie de trop nombreux responsables politiques a retardé la prise de conscience et les décisions de rigueur. On constate l'échec des politiques intergouvernementales.

 - Vers un rôle plus important des organes centraux de l'UE que sont la Commission européenne (CE, gestionnaire de ce fonds spécial de 750 Mds €, en réalité un fond monétaire européen - FME) et de la Banque centrale européenne (BCE). Va-t-on aller jusqu'à l'émission de bons par l'UE comme le préconise l'ADLE au parlement européen ?

 - Augmenter le budget de l'UE pour lui donner plus de pouvoir et d'efficacité (il est limité à 1% du PIB actuellement) ? En le renforçant, il faut accroître le rôle contra-cyclique et structurel du budget européen. Pourquoi ne pas créer en parallèle un budget spécifique de la zone euro à coté de celui de l'UE ? Et l'alimenter par un impôt européen ou zone euro ? Ils permettraient de favoriser une politique économique de la zone euro.

 - L'article 122-2 est utilisé car la situation est grave et demande des mesures exceptionnelles : la BCE et les banques centrales nationales peuvent acheter des bons d'Etats européens sur le marché secondaire pour faire baisser les taux excessifs atteints récemment (tout en neutralisant les effets inflationnistes de création monétaire). D'autres mesures de fourniture de liquidité par la BCE sont réactivées.

 - Il ne faut pas se laisser impressionner par les variations excessives du Dollar vis-à-vis de l'Euro qui est une monnaie stable (indice proche de 100 contre un panier de 25 monnaies, comme en 1999). Monnaie de 51 pays et de 550 millions d'habitants (directement ou indirectement) et de la plus grande économie mondiale, l'Euro bénéficie d'une épargne intérieure importante et d'une bonne réputation mondiale. Le Dollar US bénéficie actuellement du décalage conjoncturel traditionnel avec les Etats-Unis et devrait entraîner une hausse des taux d'intérêt plus précoce dans ce pays.

. Cela dit, une valorisation plus faible de l'Euro vis-à-vis d'un grand nombre de monnaies (surtout par rapport à ses voisins directs) ne fera que faciliter la résolution de la crise. Le rouble russe, les livres anglaise, turque ou égyptienne, les couronnes suédoise ou tchèque se sont réévalués récemment par rapport à l'euro, mais à un niveau inférieur à celui qu'ils avaient entre 2003 et 2007 (stabilité durable par rapport à l'euro à l'époque).

. Il existe deux valeurs d'équilibre pour l'euro : soit la « parité de pouvoir d'achat » (PPA) avec 1 € = 1,15 à 1,20 $, valeur que retiennent souvent les « latins » qui donnent priorité à la consommation ; soit la valeur des « grands équilibres économiques » avec 1 € = 1,50 $ environ, niveau retenu par les « germaniques » qui tient des équilibres extérieurs.

 - Un encadrement préalable européen est évoqué dans l'élaboration des budgets nationaux. Cette mesure est indispensable dès que les déficits dépassent 2,5% à 3% ou que l'endettement dépasse le plafond de 60%.

- Il n'y a pas d'autre solution qu'une baisse des dépenses publiques et une hausse des impôts ; sachant que cela doit se faire de façon coordonnée par les 27 de l'UE et dans le cadre du G20. La solution inflationniste est aventureuse et rejetée de toute façon par les pays germaniques.

- Besoin d'une politique fiscale européenne plus intégrée et cohérente, limitant la concurrence fiscale entre Etats aux effets catastrophiques (dont un relèvement des taux minimum sur la TVA, l'impôt sur les sociétés (IS) et même sur les revenus (IR)). On ne peut échapper à l'augmentation coordonnée des impôts et cotisations sociales (avec des bases plus cohérentes). On devra alors limiter les « fuites » vers les paradis fiscaux, notamment en Europe (envers les pays membres de l'UE, tel le Luxembourg ou Chypre, ou non membres (Suisse, mais aussi iles anglo-normandes, Gibraltar, Andore, Monaco, San Marin, Lichtenstein, ...). Le poids de l'UE est tel qu'elle peut et doit l'obtenir.

 - Prendre en compte des critères plus structurels pour les choix économiques (productivité du travail par rapport aux salaires, équilibres extérieurs, rentabilité des investissements publics, ...).

- Prendre des mesures d'accompagnement sociales afin de limiter les effets de rigueur sur les plus pauvres (SMIC européen, TVA sociale, ...). Depuis 12 ans, les différences de salaires ont fortement diminué en Europe. Limiter les plus hauts salaires ou les taxer plus fortement.

 - Mesures structurelles :

. Vers une meilleure coordination des investissements, notamment dans la recherche pour éviter tous les doublons existants (partage des frais et mise en commun des résultats).

. Relancer la politique des fonds structurels et de la PAC.

. Limiter les oligopoles en UE (trop de grandes entreprises ont des rentes de situation) et augmenter la concurrence.

. Favoriser la concurrence dans les pays où, comme en France, on trouve souvent des prix de détail 30% plus chers que dans les pays germaniques : trop de rentes de situation perdurent.

. Faire une véritable politique industrielle européenne, favorisant la production (la production industrielle a cru de 6,9% depuis un an en mars 2010) à l'intérieur de l'UE avec une légère dose de protectionnisme tel que décrit par Maurice Allais (la Chine ou les Etats-Unis le pratiquent). Stimuler fortement par des mesures appropriées le redressement des balances commerciales des pays les plus déficitaires (en mars 2010 : GB : -8,8 Mds € de déficits de biens, Espagne, France : -4,7 Mds €, ...).

. Défendre le système bancaire et financier européen et son modèle contre une régulation américaine inadaptée aux besoins de l'Europe et à sa croissance. Cela n'empêche pas le nécessaire renforcement de la régulation et de la réglementation (l'autorégulation s'est montrée insuffisante) des marchés financiers qui doivent être mises en place au niveau de l'UE.

 Conclusion :

La gravité de la crise que nous avons connue début mai 2010 et les décisions du 9 mai (60 ans après l'appel de Robert Schuman) ont permis une refondation de l'euro qui sort ainsi renforcé et poussent à une plus grande intégration européenne. Ces événements font le pendant de la crise de septembre 1992 et du traité de Maastricht à l'origine de l'Euro. Le serpent monétaire (parités fixes mais ajustables) avait alors fait la preuve de ses faiblesses. Ceux qui avait prédis la fin de l'Euro ont eu tort !euro.jpg

 La stabilité de la zone euro est bien utile en temps de crise. Il faut donc garder l'Euro.

Nous devons aller forcément, pour maintenir ce bien précieux commun, vers une plus grande intégration économique européenne (politiques fiscales et sociales communes, augmenter le budget de l'UE, mais aussi politiques salariales plus proches, de lutte contre les paradis fiscaux, de sécurité de l'épargne en limitant les fonds spéculatifs,  ....). C'est plus facile de réaliser aujourd'hui cette intégration car nos différences se sont réduites depuis 15 ans.

 C'est toute une vision stratégique qu'il faut revoir et mettre en place en Europe pour une politique de croissance commune plus efficace.

 Il faut combattre les nombreux déséquilibres créés depuis trop longtemps et voir la réalité en face.

N'est-ce pas le rôle des hommes politiques courageux ?

                                                                                                                                     Olivier Barthalon

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